« On n’a pas le choix »



Combien de fois ai-je entendu ce message ?

De la part de ma hiérarchie : « c’est le Groupe qui demande ce rapport pour ce soir, on n’a pas le choix ». Ou encore, « on est obligé de garder cet employé, même s’il est démotivé, le service RH ne nous a pas transmis d’autres CV, on n’a pas le choix ». De la part de la Direction Commerciale « le Client veut toute la commande en stock pour la semaine prochaine, il faut travailler samedi, on n’a pas le choix ». Le service Financier « on ne peut pas payer nos fournisseurs ce mois-ci, donne-moi la liste de priorités, on n’a pas le choix ». La Direction Générale, « en réduction de personnel cette année il faut faire –10, on n’a pas le choix », ou encore « on doit produire cette commande dans un pays à bas coût, on n’a pas le choix ».

En-dehors de l’entreprise, les messages politiques reprennent également souvent cette litanie. Le 3 octobre 2011, RMC diffuse le point de vue de Hervé Gattegno sur le titre « Sarkozy doit se représenter, il n’a pas le choix » ; Le 18 juillet 2010, Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée Nationale, dit « En matière de retraites, on n’a pas le choix ». En sport : 11 mai 2011, Jean-Michel Aulas, Président de l’Olympique Lyonnais « Claude Puel [l’entraîneur] sera sur le banc jusqu’à la fin de la saison car, de toutes manières, on n’a pas le choix ».

Nous sommes tous pris à ce piège de pensée. J’ai connu un Directeur industriel extrèmement compétent, avec lequel nous avons sympathisé. Il m’a expliqué que malgré sa situation professionnelle très reconnue, il avait un sentiment d’échec très fort sur sa vie personnelle : divorcé, ses deux filles habitaient en Allemagne à 2000km de son nouveau poste, et quand il voulait les voir il devait faire l’aller-retour dans le week-end. Comme il était parfait germanophone, je lui ai demandé s’il avait déjà envisagé de prendre un boulot près de ses filles jusqu’à la fin de leurs études, même si les opportunités professionnelles étaient un peu moins intéressantes dans leur région. En réponse il m’a montré ses chaussures, d’une marque anglaise supérieure : « Ah oui mais si je gagne moins d’argent je ne pourrai plus m’acheter ça, je n’ai plus le choix ».

Les dégâts de cette tournure d’esprit peuvent être phénoménaux. D’un point de vue humain d’abord. Combien de cadres dirigeants n’ont « pas le choix » de continuer une carrière pour maintenir leur niveau de vie ? Surtout quand il faut payer une ou plusieurs pensions alimentaires, l’appartement à Paris « on n’a pas le choix ». Combien de femmes s’ennuient à la maison au lieu de s’investir dans des activités épanouissantes, parce qu’ « il faut bien que quelqu’un s’occupe de enfants, on n’a pas le choix ».

Personnellement cette phrase suscite en moi une réaction défensive très forte. Je sens que la personne qui émet cet avis catégorique, refuse d’échanger avec moi. Je me sens manipulé, atteint dans la liberté de choisir ma vie, ma façon de faire, même sur les petites choses. Insulté dans mon intelligence. Peut-être à cause de mon caractère latin, une règle non justifiée autrement que par « on n’a pas le choix » me donne immédiatement envie de faire le contraire. Pas vous ?

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« On n’a pas le choix »
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Publié dans la Catégorie Philosophie Lean #1 : Implication des individus - 23 novembre 2011