Les Jeunes Dirigeants veulent devenir plus « agiles »
3 janvier 2013 – Une journée au Stade de France pour comprendre ce qu’est l’agilité autour d’intervenants qui ont déjà amorcé cette posture dans leurs entreprises. Des ateliers qui ont placé les quelques trois cents Jeunes Dirigeants présents en capacité d’expérimenter dès le lendemain : voilà à quoi a tenu l’alchimie de cette rencontre du réseau. Concentré d’une journée dense.
L’agilité n’a pas de secret pour eux. Ou plutôt, ils sont les pionniers de ce nouveau type de management. Témoignages et expertises.
PAROLES D’AGILISTES
C’est Damien Thouvenin, membre du CJD Hauts-de-Seine et dirigeant de CLT qui introduit le sujet en mettant en exergue les 7 principes de l’agilité :
1- Enchanter le client, c’est-à-dire aller au-delà de sa seule satisfaction.
2- Réaliser le meilleur et tendre toujours vers cet objectif.
3- Travailler par itération, se confronter au terrain rapidement et régulièrement.
4- Laisser les personnes s’auto-organiser. Le dirigeant balise le terrain et donne les règles du jeu. Rien de plus.
5- Mettre en place le principe de subsidiarité. Ce sont les plus compétents qui agissent ; le rôle du manager est de se mettre au service des salariés.
6- Se situer dans une démarche d’amélioration continue. Rien n’est figé ; tout évolue.
7- Quand on prône l’auto-organisation, il faut un minimum de communication et de confrontation entre les personnes pour savoir ce que fait et où en est chacun.
Des principes dont se sont inspirés les dirigeants qui se sont succédés sur la scène de la Rencontre du Réseau et qui leur ont permis de développer leur performance.
CREER L’ENVIE
Laurent Sarrazin dirige la Direction des Services Informatiques de la Société Générale et mène une transformation agile à grande échelle. « Avant d’être une question de techniques, c’est avant tout une aventure humaine. L’important est de donner du sens, de ne pas faire de l’agilité pour l’agilité. Il faut savoir pourquoi nous voulons nous transformer. C’est la raison pour laquelle nous parlons d’organisation et pas simplement de méthodes. Il ne faut jamais oublier que derrière le changement, il y a des hommes. »
Pour faciliter la compréhension du changement et créer l’envie, le recours au ludique s’avère indispensable. Comme dans les séries télé, le projet avance par saisons, par itération de sept semaines. « Aujourd’hui, nous en sommes à la saison 7 et nous écrivons le scénario de la saison 8 ».
S’APPROPRIER LES CHOSES
Christophe Riboulet dirige quant à lui Proditec, une entreprise industrielle de 40 salariés située près de Bordeaux. Il liste les raisons qui l’ont conduit à introduire le lean management et plus globalement l’agilité dans l’entreprise.
1- La complexité qui nécessite de s’adapter de manière permanente.
2- La frustration qui fait que si les résultats sont au rendez-vous, ceux-ci ne règlent pas les problèmes de fond, comme le climat social ou l’innovation.
3- L’aveuglement qui fait « quand les problèmes remontent, c’est toujours la faute des clients ».
4- La précipitation qui ignore les problèmes et rend impossible tout apprentissage continu.
5- Le danger toujours latent de démotiver les salariés…Plutôt que de chercher à motiver ses collaborateurs, il faudrait d’abord combattre tout ce qui est source de démotivation pour eux.
Voilà les moteurs de sa démarche. « C’est difficile car il faut voir les choses à l’envers, tout réapprendre et faire partager une nouvelle vision aux collaborateurs pour que ceux-ci s’approprient les choses ». Et un maître mot dans tout ce processus de changement : le plaisir.
CONFIANCE ET TRANSPARENCE
Karine Mazet dirige ViaXoft, une entreprise de 40 collaborateurs qui édite des logiciels pour le secteur du tourisme. « En 2008, le besoin de commercialiser rapidement un produit est devenu nécessaire. Sans connaitre les méthodes agiles, désireux d’aller vers des pratiques innovantes, nous nous sommes auto-formés et nous avons construit. Nous avons commercialisé un produit en deux ans, en diminuant les temps de R&D ».
Prônant les valeurs de confiance et de transparence, l’entreprise place le client au centre des projets. « Il fait partie intégrante de l’équipe de développement ». C’est cette spécificité qui amène l’entreprise à développer une aptitude particulière à gérer le changement, à comprendre les évolutions du marché, à écouter ses différentes parties prenantes. « C’est un facteur de différenciation et une vraie fabrique de l’engagement».
RECONNAISSANCE ET DEPASSEMENT DE SOI
25 sociétés, 50 implantations, 2450 collaborateurs, 400 M€ de CA… le groupe créé par Michel Hervé il y a quarante ans a de quoi impressionner. Ce groupe est aujourd’hui connu et réputé pour ses méthodes de gestion qui placent les collaborateurs en situation d’autonomie et de responsabilité. « Tous intra-entrepreneur » : un slogan que le groupe Hervé s’efforce d’appliquer au quotidien dans le management de ses ressources humaines. Michel Hervé fait partir sa démarche d’un point fondamental : le besoin de reconnaissance de l’individu, « la recherche du bonheur à travers le dépassement de soi par la reconnaissance des pairs ». Pour lui, l’esprit entrepreneurial n’est rien d’autre que le fait de comprendre que la somme des intelligences individuelles forme l’intelligence collective. Le dirigeant devient ainsi un chef d’orchestre, «
qui met en harmonie des instruments qui produisent des sons ». Le dirigeant est ainsi avant tout un facilitateur, un médiateur… Son rôle n’a de sens qu’au service des autres.
« PLUS D’INTERACTIONS ECOSYSTEMIQUES »
Pour Michel Hervé, l’ère qui s’ouvre devant nous est celle du capitalisme de l’innovation, où le savoir-être est essentiel. Un capitalisme nouveau, qui nous pousse « vers plus d’interactions écosystémiques entre les différents organes de l’entreprise ».C’est cette complexité qui doit pousser
l’entreprise à se défaire de la seule logique causale ou prédictive pour la combiner avec une logique effectuale, qui part des ressources données pour imaginer des possibles. L’entreprise de demain se sera pas celle de la préservation du capital, ni celle de la préservation de l’emploi.
Michel Hervé en est convaincu. Ce sera celle de la recherche perpétuelle de l’utilité sociétale. Le CJD aussi en est convaincu, et ce depuis plus de 70 ans.
ENCHANTER LES CLIENTS
Pour conclure la journée, deux intervenants ont pris la parole. D’abord la vision du professeur et expert en entrepreneuriat. Ensuite, celui du dirigeant engagé. Le tout au service d’un même objectif : exprimer, le plus simplement et succinctement possible, les grandes qualités de l’entreprise agile.
CREER DE LA SURVALEUR
Alain Asquin, Maître de Conférences en Sciences de Gestion à l’IAE de Lyon, est un compagnon de route du CJD. Il connait bien le CJD et ses adhérents pour les rencontrer régulièrement dans le cadre du parcours Copernic. Son diagnostic peut inquiéter. « Les groupes s’organisent en mini-PME ; ils auront la puissance du groupe et la réactivité et l’inventivité des PME. La conséquence : les dirigeants de PME doivent aujourd’hui se professionnaliser et combiner aux mieux les ressources dont ils disposent pour repenser le monde et prendre une nouvelle longueur d’avance sur ces groupes qui se repensent ».
Les dirigeants de PME doivent donc être plus agiles. La grande leçon à retenir, c’est que pour être agile, satisfaire ses clients ne suffit pas, ou ne suffit plus. Il faut les enchanter, leur « créer de la survaleur ». Cela modifie les frontières traditionnelles de l’entreprise. La place du client devient telle qu’elle se situe à la fois dedans et dehors de l’entreprise. Le client est extérieur à l’entreprise tout en étant placé en son centre.
Cette journée a permis de mettre au jour un élément important : les adhérents du CJD font de l’agilité sans le savoir, un peu comme Monsieur Jourdain faisait de la prose… L’agilité, parce qu’elle nécessite des liens extrêmement forts avec ses différentes parties prenantes, n’est-elle possible que si l’entreprise est déjà engagée dans une démarche de performance globale ? Voilà sans doute pourquoi cette thématique de l’agilité semble familière aux adhérents du CJD.
Lionel Meneghin, Le 3-01-2013
Publié dans la Catégorie Performance durable, Philosophie Lean #1 : Implication des individus, Philosophie Lean #2 : Amélioration continue - 27 avril 2013